En marge de la journée mondiale contre les travaux des enfants célébrée chaque 12 juin, la Ligue pour la Protection des Droits des Enfants (LPDE Asbl) a tenu une conférence samedi 14 juin 2025 à l’espace-étudiants CERDAF pour analyser les causes profondes de l’exploitation des enfants de l’Est de la RDC en cette période de guerre. Cette rencontre a permis d’identifier les principaux facteurs qui alimentent ce fléau, tout en formulant des pistes de solutions concrètes et adaptées au contexte local.
Aksanti Cizungu Abel , coordinateur de cette structure affirme que le travail des enfants dans l’Est de la RDC est une problématique complexe, enracinée dans des facteurs économiques, sociaux, culturels et sécuritaires. Selon lui, les principales causes identifiées sont les suivantes :
1. La Pauvreté extrême
Plus de 70 % de la population congolaise vit sous le seuil de pauvreté. De nombreuses familles n’ont d’autre choix que de faire participer les enfants aux activités génératrices de revenus. Dans les mines artisanales, un enfant peut gagner entre 1 et 2 dollars par jour, une somme souvent vitale pour la survie du ménage.
2. Conflits armés et insécurité
Les guerres successives ont déstructuré les économies locales et déplacé des milliers de familles. Dans certaines zones, des groupes armés recrutent des enfants ou les exploitent économiquement, notamment dans les sites miniers qu’ils contrôlent. Par exemple, dans le territoire de Walikale, des enfants sont contraints d’extraire des minerais pour le compte de milices armées.
3. Accès limité à l’éducation
La destruction des infrastructures scolaires, le manque d’enseignants qualifiés et les frais de scolarité élevés empêchent de nombreux enfants d’aller à l’école. À Fizi, seuls 30 % des enfants sont scolarisés au niveau primaire.
4. Faiblesse des institutions et corruption
Abel Cizungu Abel fait savoir que malgré l’exploitation des enfants la loi n°09/001 de 2009 interdit le travail des enfants, mais son application reste très limitée. Le manque de moyens, la corruption et les complicités locales empêchent l’effectivité des mécanismes de protection de l’enfance, notamment dans les zones minières.
5. Normes socioculturelles :
Dans certaines communautés, le travail des enfants est socialement accepté, notamment dans l’agriculture, le petit commerce et les tâches domestiques. Les filles sont particulièrement vulnérables : elles sont souvent victimes de mariages précoces, de travail domestique non rémunéré ou encore exploitées comme aides familiales (« yayas »).
Au cours de la conférence des recommandations ont formulées par la LPDE Asbl afin de lutter efficacement contre le travail des enfants, les participants ont proposé les mesures suivantes :
1. Renforcement du cadre légal
Appliquer les lois existantes avec rigueur. Intensifier les contrôles dans les zones à risque. Sanctionner les auteurs d’exploitation infantile.
2. Investir dans l’éducation réhabiliter les infrastructures scolaires former et rémunérer les enseignants.
Sensibiliser les familles à l’importance de la scolarisation.
3. Soutien économique aux familles mettre en place des programmes de microcrédits et de formation professionnelle.
Offrir un accompagnement psychosocial aux familles vulnérables.
4. Engagement de la communauté internationale
Garantir la traçabilité des minerais congolais. Veiller à l’exclusion du travail infantile dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
5. Renforcement des capacités locales. Former les autorités, les enseignants et les leaders communautaires aux mécanismes de signalement et de protection.
6. Scolarisation gratuite et repas scolaires. Rendre l’école accessible à tous par des mesures incitatives. Mettre en place des programmes de rattrapage pour les enfants déscolarisés.
7. Démilitarisation des zones minières. Restaurer l’autorité de l’État dans les régions en conflit. Sécuriser les communautés et les sites miniers.
8. Mobilisation citoyenne. Encourager le plaidoyer et la veille citoyenne. Faire pression sur les autorités pour l’application des lois en faveur des droits de l’enfant.
Signalons que la lutte contre le travail des enfants dans l’Est de la RDC ne pourra aboutir sans une approche multisectorielle, inclusive et durable. Cela exige une réelle volonté politique, un engagement des acteurs locaux et un appui renforcé des partenaires nationaux et internationaux. Il est plus que jamais urgent d’agir pour protéger les droits et l’avenir des enfants congolais, martèle Aksanti Cizungu Abel.
Mutabesha Banywesize Sardou-Michel