Sud-Kivu : Le Parc National de Kahuzi-Biega sous pression entre guerre, déforestation et oubli des communautés locales

Sud-Kivu : Le Parc National de Kahuzi-Biega sous pression entre guerre, déforestation et oubli des communautés locales
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 Bijiro Kaberha Kaberha, étudiant à l’Université du Cinquantenaire de Lwiro (UNI-50 Lwiro) et jeune activiste environnemental lance un appel de détresse à l’égard de KAHUZI BIEGA

En pleine période de conflit armé dans l’Est de la RDC, le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, subit une pression sans précédent. Déforestation accélérée, gestion contestée, tensions avec les communautés locales : le parc est aujourd’hui au cœur d’une crise multidimensionnelle que les autorités peinent à contenir. Étudiant en sciences environnementales à l’UNI-50 Lwiro et activiste de terrain, j’ai réalisé, du 15 au 17 juin 2025, une mission dans la zone de Kasirusiru, à l’intérieur du PNKB. Objectif : observer la situation réelle que traverse cette aire protégée depuis l’intensification du conflit au Sud-Kivu. Ce que j’y ai vu est alarmant.

Déforestation en hausse, autorité en recul

Chaque semaine, des habitants des villages environnants notamment ceux de Kabare  s’introduisent dans le parc pour y prélever bois de chauffe, gibier, bambous ou lianes. J’ai constaté que même les enfants s’y rendent les samedis pour ravitailler leurs pères, souvent installés de manière illégale dans la réserve. Ils repartent avec des produits issus de la forêt, alimentant un trafic devenu routinier. Lors de mes échanges sur place, j’ai surpris des personnes équipées de tronçonneuses, que j’ai tenté de sensibiliser aux dangers de leurs actes. Cette pression s’explique en partie par l’absence de zones tampon clairement définies. En l’état, les limites du parc sont floues, ce qui alimente les conflits avec les communautés qui revendiquent, à juste titre ou non, un droit d’accès aux ressources naturelles. Un zonage bien structuré, avec des espaces de tolérance et d’usage communautaire, pourrait réduire ces tensions.

Une histoire de tensions anciennes

Le conflit autour du PNKB ne date pas d’hier. Il trouve ses racines dans les années 1970, lorsque la reconnection entre la haute et la basse altitude du parc a été décidée sans consultation préalable des populations riveraines. Beaucoup d’entre elles ont été déplacées sans indemnisation, ni alternative concrète. Aujourd’hui encore, certaines familles, notamment des peuples autochtones, vivent sans logement, sans terre à cultiver, sans moyens de subsistance. Elles expriment leur volonté de revenir vivre dans ce qu’elles considèrent comme leur territoire ancestral, malgré l’interdiction légale.

Un patrimoine naturel en danger

Le PNKB abrite une biodiversité exceptionnelle : 11 espèces de primates diurnes, 3 nocturnes, 136 espèces de mammifères, dont l’éléphant de forêt et le gorille de montagne de l’Est, espèce emblématique du parc. Pourtant, la richesse biologique du site est menacée par la destruction des habitats, le braconnage et l’exploitation illégale des ressources.

L’importance des initiatives communautaires

Le 5 juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, des actions de sensibilisation ont été menées à Kabare, notamment sur le marché de Cibumbiro à Murhesa. Coordonnée dans le cadre de la campagne Afrika Vuka 2, cette initiative a réuni plusieurs acteurs engagés dans la protection de l’environnement. Ils ont encouragé les populations locales à adopter des alternatives durables aux braises issues du parc, telles que les braises écologiques. Des femmes vendeuses ont été sensibilisées par Nicole Menene, directrice de Plasty Corp, à l’entrepreneuriat vert : fabrication de savons, tissage de sacs, plantation d’arbres… Des solutions concrètes qui visent à réduire la dépendance directe aux ressources du parc.

Appel à l’action

Face à l’ampleur des menaces, il est urgent que les autorités, les gestionnaires du parc, les communautés locales et les organisations environnementales travaillent main dans la main. Car les hectares de forêt détruits ne repousseront pas du jour au lendemain. Même si la résilience des écosystèmes est réelle, elle a ses limites.

Rappelons que le Parc National de Kahuzi-Biega est un joyau naturel. Il est de notre devoir de le préserver, pour nous-mêmes et pour les générations futures.

Mutabesha Banywesize Sardou-Michel


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